Zahirisme
(exégèse)

Zahir signifie "apparent", et le zahirisme, école théologique, insiste sur le sens apparent du texte coranique, refusant par là-même le ta'wil, c'est-à-dire l'interprétation allégorique, et le majaz qui reconnaît la métaphore.

Nous employons, ici, à la lettre Z, le mot Zahirisme pour illustrer la question de l'exégèse. Le zahirisme ne recouvre pas toute l'exégèse coranique; il représente toutefois l'expression la plus symptomatique pour servir de titre à cet article sur l'interprétation des écritures saintes.

Dans cet article, nous chercherons à mettre en relief les moyens de l'exégèse pour résoudre les contradictions apparentes des textes sacrés.

Pour les musulmans: très tôt, il est apparu clairement que de nombreux versets du Coran se contredisaient. Loin de s'en émouvoir, l'Islam a désigné les versets contradictoires en deux catégories: les nansukh, ou versets abrogés, et les nasikh, versets abrogeants. De telle sorte que, lorsque deux versets s'opposent, l'un abroge l'autre, rendant ainsi au Coran son parfait fonctionnement. Cependant, cette mécanique exégétique n'élimine pas purement et simplement les versets abrogés: ces derniers font toujours partie du Coran; et bien qu'ils ne fournissent pas la solution la plus achevée, ils peuvent être utiles en cas de situation intermédiaire, soit que l'Islam soit encore minoritaire là où il grandit, soit que, politiquement, il soit judicieux d'exposer les principes des abrogés plutôt que ceux des abrogeants qui sont le plus souvent plus nettement radicaux.

Pour le chrétien: le Christ en personne est la mesure des Ecritures, Lui qui est le Verbe même par Lequel les Ecritures sont saintes. Entre l'Ancien et le Nouveau Testaments, les contradictions trouvent leur solution en la personne de Jésus, dont tout l'Ancien Testament constitue l'annonce de la venue et l'œuvre de salut: de l'acte créateur du Verbe, dans la Genèse, au Fils de l'Homme marchant sur les nuées dans le Livre de Daniel, tout, oui, tout manifeste, dès les premières lignes de la Bible, l'œuvre du Christ. Le Nouveau Testament apparaît donc comme l'aboutissement de ce qui était annoncé, comme la réalisation de la venue du Sauveur attendu. Ainsi Jésus déclare-t-Il: "N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir" (Matthieu 5.17). Jésus est l'Ecriture vivante, le Verbe fait chair.

Au sujet des traductions: il n'y a qu'une seule facture du Coran, à l'inverse de la Bible, dont les traductions sont nombreuses. Mais ces traductions bibliques ne peuvent effacer la divine inspiration des textes, et même en donnent-elles à découvrir toujours davantage l'inépuisable richesse. Manifestement, le Coran s'impose comme divin dans son unicité immuable; tandis que la Bible ne cesse de vivre dans toutes les langues un nouveau miracle du Verbe. Pour les musulmans, le sens du texte coranique est apparent. Pour les chrétiens, le sens biblique est infini de l'infinité même de Dieu, jamais épuisée et toujours nouvelle.

Au sujet des abrogés et des abrogeants: comme nous l'avons déjà dit, les versets coraniques peuvent être abrogés ou abrogeants. Cet état du Coran, emprunt de mutabilité mais non de contradictions, explique, tout à la fois, sa réduction par les abrogeants à la violence comme solution définitive pour convertir à l'Islam et sa capacité à apparaître tolérant si l'on ne prend pas garde de distinguer comme abrogés les versets de teneur bienveillante. Ainsi, "sur 114 sourates, il y en a seulement 43 qui ne contiennent ni abrogés ni abrogeants. Cela est naturellement très surprenant, et si inattendu que très peu d'Occidentaux savent qu'une partie significative du Coran est abrogée. Les contemporains de Mahomet étaient tout aussi surpris par ce Coran à géométrie variable. Comment savoir, quand deux versets sont contradictoires, lequel est abrogé et lequel est abrogeant? C'est une question de date: le dernier prononcé abroge tout ce qui lui est contraire dans les textes antérieurs. Les versets tolérants, notamment celui sur l'absence de contrainte en matière de religion, se trouvent dans la sourate II, qui est mecquoise, c'est-à-dire l'une de plus anciennes. A cette époque l'islam était très minoritaire, et Mahomet menacé de mort. La tolérance était présentée comme un ordre de Dieu parce qu'elle était nécessaire à l'islam naissant. Mais quand l'islam est devenu puissant, le ton a changé." (Jean-Jacques Walter, le courrier des lecteurs, in Le Figaro Magazine, -janv.1999-).

A titre d'exemple de la radicalisation du Coran par les abrogeants, nous donnons, ci-dessous, le cas du verset 53 de la sourate 39 abrogé par le verset 48 de la sourate 4. Pour commencer, écoutons le Cheick Si Boubakeur Hamza, ancien recteur de la mosquée de Paris: "Dieu est un et seul dans son essence; mettre en cause son unicité en pensée ou en acte constitue un péché irrémissible, infini comme offense à Dieu infini. Ce verset sert de mise au point au verset 53 de la Sourate XXXIX." (note de texte sur le verset 48 de la S4, in Le Coran, traduction nouvelle et commentaires, T1, -1972-).

Voici le verset 48 S4 (l'abrogeant): "Dieu ne pardonne pas qu'on lui associe d'autres divinités. Il pardonne à qui il veut les péchés moins graves que celui-là. Quiconque associe d'autres divinités à Dieu, commet un péché infini."

Et voici le verset 53 S39 (l'abrogé): "Dis: "O mes serviteurs! vous qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez point de la miséricorde de Dieu. En vérité, Dieu pardonne tous les péchés, car il est le Clément, le Compatissant par excellence."

On entrevoit plus clairement le sens de la petite "mise au point" indiquée par le Recteur Boubakeur en note de bas de page de sa traduction du Coran en français!...