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Arthur Machen est né le 3 mars 1863 à Caerlon-on-Usk, au Pays de Galles. Il y grandira. Depuis le presbytère isolé de Llanddewi, il découvre peu à peu tout le comté de Gwent lors de longues promenades, son imagination se nourrissant des légendes de ce pays de campagnes reculées et préservées. Il conservera toute sa vie pour ces paysages une impression persistante d’étrangeté, à partir de laquelle il se persuadera qu’un petit peuple d’une grande malignité y a élu son domicile et s’y prête encore, sournoisement, à toutes sortes de maléfices. Aussi assimile-t-il aux histoires de fées et de changelins du folklore local d’authentiques faits divers inexpliqués, qui constituent la trame de nombre de ces fabuleux récits fantastiques.
Mais avant de plonger plus avant dans l’œuvre fantastique d’Arthur Machen, revenons un moment sur le point de focalisation de notre tête de chapitre : à savoir, l’école littéraire de l’Aube Dorée. En effet, à l’instar de Yeats, Machen, lui aussi, adhéra à l’énigmatique secte. Son œuvre, également, à n’en pas douter, y puise des figures pour le moins curieuses… Les écrivains de la secte semblent tous apparemment suivre un itinéraire initiatique commun. Comme nous allons le voir, le chemin en est balisé, incontestablement fléché… Et c’est Yeats qui va nous en ouvrir la piste :
« Comme Arthur Symons et moi devions séjourner avec
Mr Edward Martyn au château de Tulira, dans le comté de Galway, je décidai
que c’était là que je ferais mon invocation à la lune. Je la fis nuit après
nuit avant de me coucher, et au bout de pas mal de nuits, huit ou neuf peut-être,
je vis entre sommeil et veille, comme au cinéma, un centaure galopant et,
un instant après, une femme nue d’une incroyable beauté, debout sur un piédestal
et tirant une flèche à une étoile. […]. Le lendemain matin, avant de petit
déjeuner, Arthur Symons m’emmena sur la pelouse pour me réciter un fragment
de poème, le seul poème qu’il eût jamais écrit en rêve. Il avait rêvé la nuit
précédente d’une femme extrêmement belle, mais habillée et sans arc ni flèche.
Quand il retourna à Londres, il trouva, qui l’attendait, une histoire envoyée
au Savoy par Fiona Macleod et intitulée, je crois, l’Archer. Quelqu’un,
dans l’histoire, avait eu la vision d’une femme tirant une flèche dans le
ciel, et plus tard d’une flèche tirée sur un faune qui avait percé le cœur
du faune, lui avait arraché le cœur, et, avec ce cœur accroché à elle, était
restée logée dans un arbre. Quelques semaines plus tard, je retournai moi
aussi à Londres et je trouvai parmi les élèves de Mathers une femme dont le
petit enfant – peut-être à l’époque de ma vision, peut-être plus tard – était
accouru du jardin en criant : Oh ! maman, j’ai vu une femme qui
tirait une flèche dans le ciel et j’ai peur qu’elle ait tué Dieu » (W.B.
Yeats, Le Frémissement du voile).
Tout d’abord, situons les personnages : Arthur Symons était l’éditeur de la revue littéraire The Savoy, pour laquelle Yeats écrivait des poésies, et dont Aubrey Beardsley, rencontré plus haut dans notre étude, se proposait d’illustrer le texte de ses lithographies audacieuses. C’est dans The Savoy qu’il fera publier, quoique sous une forme expurgée, son unique nouvelle, Under the Hill ou les aventures du chevalier Tannhaüser – étudiée plus tôt. Quant à Fiona Macleod, elle appartenait à la secte de l’Aube Dorée. Mathers, lui, nous le connaissons déjà, en est le fondateur. Ceci précisé, reprenons avec Yeats la suite de la course de cette flèche énigmatique...
« Il y avait alors à Londres un coroner instruit dans la Cabbale, que j’avais connu jadis quoique nous ne nous fussions pas rencontrés depuis quelques années. J’allais le voir et lui racontait tout ce que je viens de dire. Il ouvrit un tiroir et en tira juive et chrétienne, sous sa forme spéculative dite séphirothique, - et sous des formes opératives plus que douteuses que no