Lovecraft et la maîtresse de Crowley

Le livre les enlumineurs de cauchemars

existe en format papier

aux éditions Docteur Angélique
au format ebook

chez Hypallage Editions

 

 

Howard Philips Lovecraft ne fut jamais affilié officiellement à la Golden Dawn. Mais nous pouvons dès maintenant tenir pour certain qu’il lui appartint comme quelqu’un qui reconnaît l’influence de ses maîtres et se laisse imprégner par leurs sortilèges. A l’évidence, Lovecraft doit une partie de la révélation de son propre talent à l’écrivain affilié Arthur Machen. On retrouve ainsi chez Lovecraft des mythes empruntés à l’œuvre de Machen, comme le dieu Nodens, par exemple : « Au grand Nodens, le dieu de la grande profondeur ou de l’Abîme » (A. Machen, Le grand dieu Panqui a son pendant avec un « Nodens le chenu, Seigneur du Maître Abîme, qui vit de toute éternité » (Lovecraft, La Quête onirique de Kadath l’Inconnue). On peut aussi constater que Lovecraft introduisit dans trois de ses nouvelles (L’affaire Charles Dexter Ward, Le Cauchemar d’Innsmouth et Le monstre sur le seuil) le personnage d’Arthur Edward Waite, membre éminent et non fictif de la secte, effectivement auteur d’un livre sur la magie noire « faisant autorité ». A noter, également, la citation significative d’Algernon Blackwood, écrivain et membre de la GD, que Lovecraft a placée au début de son récit l’Appel de Cthulhu : « De telles grandes puissances, ou de tels êtres, il est concevable qu’il y ait eu une survivance… une survivance d’une période infiniment lointaine où… la conscience se manifestait, peut-être en apparitions et en formes qui se sont depuis longtemps retirées devant la marée de l’humanité… des formes dont seules la poésie et la légende ont gardé un souvenir fugitif et auxquelles elles ont donné les noms de dieux, de monstres, d’être mythiques de toutes sortes et de tous genres ». On admettra une parenté de thème évidente entre les deux auteurs, d’où le choix de la citation par Lovecraft, conscient de ce lien de pensée. On pourrait encore aller plus loin dans l’ordre des accointances en rapprochant certaines formules de l’Appel de Cthulhu du langage énochien employé au sein de l’Aube dorée. A l’invocation lovecraftienne « Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn » répond en écho la langue énochienne : en effet, dans la langue des Grands Anciens comme dans la langue d’Enoch, les consonnes consécutives sont nombreuses. Ce qui obligera, dans le cadre de la ritualisation des formules énochiennes, un des membres de la secte, Aleister Crowley, a sonoriser quelque peu le langage énochien en interpolant des voyelles dans le magma des consonnes pour en faciliter la prononciation. Un autre indice doit retenir notre attention : Lovecraft fait référence à John Dee comme un traducteur hypothétique du controversé Nécronomicon. Or, John Dee est celui qui fit connaître au monde l’énochien ; le fait que Lovecraft le cite implique qu’il avait également connaissance de ses travaux sur le « langage des anges ». Ainsi, « blabla cthulhuloïde » et énochien seraient de même inspiration. Et l’équation Dee + énochien + Lovecraft se résout en un terme : l’enseignement occulte de la GD. Mais encore faut-il ajouter que le reclus de Providence fera l’expérience dans la chair des mystères de l’Aube Dorée… Cette dernière déclaration intrigante restera pour l’instant vague. Nous vous donnerons, cher lecteur, un peu plus loin dans notre étude, la clef de l’énigme énoncée.

Mais pour en revenir aux preuves scripturaires du lien entre Lovecraft et la science de la GD, voyons plus précisément ce que l’auteur du mythe de Cthulhu avoue avoir reçu des maîtres de l’innommable : « Parmi les écrivains vivants qui ont traité l’horreur cosmique d’une manière parfaite, il en est peu qui puissent rivaliser avec le versatile Arthur Machen, auteur d’une douzaine de récits, longs et courts, dans lesquels l’horreur latente et la terreur insidieuse possèdent une réalité et une acuité presque incomparables » (H.P. Lovecraft, Epouvante et surnaturel en littérature, 1926). C’est en effet dans un essai qu’il consacre à l’étude de la genèse de la littérature fantastique d’horreur que Lovecraft rend cet hommage dithyrambique à Machen. Nous verrons sous peu par le détail l’analyse d’une œuvre de Machen par Lovecraft. C’est encore dans son essai Supernatural horror in literature que Lovecraft nous livre les informations capitales suivantes concernant ses connaissances occultes : « Le Livre d’Enoch et les Claviculae de Salomon illustrent bien le pouvoir du fantastique sur l’esprit des Orientaux, et c’est sur de telles choses que se formèrent des systèmes et des traditions dont l’écho est parvenu, obscurément, jusqu’à nos jours ». Ici, les références au Livre d’Enoch et aux Clavicules de Salomon renvoient directement aux enseignements de la GD : à savoir, les magies énochienne et séphirothique.

L’illustre livre apocryphe et le dangereux ouvrage de kabbale sont sans conteste les deux titres fondamentaux de toute bonne bibliothèque que se doit de constituer un adepte de la secte digne de ce nom ! Et Lovecraft de les citer comme bases légendaires historiques du récit d’horreur cosmique… Plus singulièrement encore, ce qui doit retenir notre attention, c’est l’assurance du propos de HPL quand il nous renseigne sur le prolongement de telles croyances et pratiques « jusqu’à nos jours ». Croyances et pratiques qui auraient survécues sous forme de systèmes et de rituels. Et cet « écho est parvenu » à résonner au cœur d’une société secrète. La GD apparaît alors comme le centre de ce dépôt. La démonstration serait certes parfaite si Lovecraft avait nominativement mentionné l’Aube Dorée. Cependant, cette lacune, dans l’argumentation visant à relier HPL à la GD, n’offense pas notre raisonnement : nous verrons, ultérieurement, qu’un événement majeur en plein cœur de la vie du maître du fantastique compense en pertinence largement cette carence apparente. Cet événement, vous en conviendrez alors, abat d’un seul coup le rempart de toutes les préventions intellectuelles. Lovecraft fut bel et bien initié aux connaissances secrètes de la GD !


 

Mais repreement les uns aux autres. Voici l’âge que vient prêcher, annoncer, inaugurer Nyarlathotep :

« Il ne serait pas difficile de savoir quand ce t