Jouhandeau et la dignité infernale

Le livre les enlumineurs de cauchemars

existe en format papier

aux éditions Docteur Angélique
au format ebook

chez Hypallage Editions

 

 

Monsieur Marcel Jouhandeau apparaît dans la littérature du XXème siècle comme un défi lancé à l’athéisme grandissant de son temps. Non seulement il pose l’existence de Dieu comme une évidence abrupte (dont il n’y a pas à discuter), mais il ne cesse ensuite d’affirmer combattre Dieu au nom même de ce projet divin décelé en son âme !

Ce que nous venons d’écrire résume toute le théologie jouhandélienne. Mais voyons cela par le menu : Tout d’abord, l’affirmation de Dieu : « Dieu existe toujours plus qu’on ne croit, puisqu’il est l’Être » (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, 1935). Ensuite la condamnation de l’athéisme au nom même de l’existence humaine : « Le seul péché impardonnable est le péché de l’esprit contre l’esprit, la négation de Dieu, moins parce qu’il atteint Dieu dans son être que parce qu’il atteint l’âme dans sa dignité, parce qu’il méconnaît toute la grandeur (de la création) de la Nature » (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales). Dieu est donc, sans conteste possible, de l’aveu même de Jouhandeau, la mesure de toute chose, le phare de l’âme dans toute son activité : « Grande force pour l’intelligence que d’avoir Dieu comme point de repère. Même si l’on s’éloigne de lui, au moins sait-on où l’on va » (Algèbre des valeurs morales). Bien. Ceci est noté. Or, cela signifie que le choix du mal que l’auteur s’apprête à faire, l’est en tout état de connaissance. Et c’est ici que la lucidité de l’observateur des gens de Chaminadour nous oppresse, car il admet aussi nettement Dieu que le refus de Dieu. Et de se déclarer lui-même éterniser dans le refus de Dieu !

« A moi seul je puis dresser en face de Dieu un empire sur lequel Dieu ne peut rien : c’est l’Enfer » (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, Défense de l’enfer, 1935).

Selon Jouhandeau, l’enfer est une peine que l’impie s’inflige lui-même à lui seul :

« Je me suis réservé de me faire seul tout le mal et personne, Dieu même, ne réussirait pas à me faire malgré moi le moindre bien » (Algèbre des valeurs morales).

A cette assertion, nous pouvons apporter du point de vue de la foi catholique deux preuves canoniques: la première est tirée des Saintes Ecritures, la seconde du catéchisme officiel de l'Eglise Catholique.

D'après la définition de l'enfer donnée dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique de 1992, au n°1033, on peut lire que c'est la créature pécheresse qui, en persévérant consciemment dans son péché, se condamne elle-même éternellement.

N°1033: « Mourir en péché mortel sans s'être repenti et sans accueillir l'amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c'est cet état d'auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu'on désigne par le mot "enfer" ».

L'Eglise parle d'un "état d'auto-exclusion". Tout d'abord, si l'on prend en compte le mot "état", il ne saurait désigner un lieu extérieur à la créature concernée mais bien plutôt sa disposition intérieure. Et cette disposition intérieure s'avère dans le cas du pécheur impénitent et résolu à cette impénitence être une aversion pour Dieu.


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L'Eglise parle de l'enfer comme étant un état et non un lieu. Alors que dans la Bible le paradis apparaît suivant l'Apocalypse de Saint Jean sous la forme d'un lieu dont la vision de la Jérusalem Céleste est la révélation (Ap. 21.9+), l'enfer, quant à lui, n'a plus dans le langage du catéchisme de l'Eglise de 1992 le statut de lieu du châtiment par Dieu des pécheurs. L'enfer n'est plus un lieu mais un état, et tout au plus pourra-t-on dire que l'enfer est localisé à l'intérieur des pécheurs en état de péché perpétuel. Cette notion d'"état" que confesse désormais l'Eglise est aux antipodes des visions médiévales de l'enfer, où diables et diablotins s'affairaient à torturer dans de profonds abîmes englués de ténèbres les âmes des damnés, les perçant de leurs fourches, les déchirant de leurs griffes et les faisant bouillir dans des marmites géantes ou cuir sur des grils acérés.

e péché introduit la réflexion, et non l’inverse; ce qui apparaît moins comme une radicalisation idéalisée d’un rejet du bien céleste que comme une vile contrainte extérieure exercée sur un jugement qu’elle trouble f