Journée du 10 juillet 1707 (fin de journée):

- 9ème partie, jouée le 16 septembre 2006 dans le cadre de la manifestation organisée au palais de l'Europe à Menton par l'Association du Grognard -

Décidément, la journée du 10 juillet aura été d'une rare intensité: ce n'était plus en fin d'après-midi qu'une seule et unique ligne de bataille, tout le long de laquelle les deux adversaires échangeaient charges et fusillades à répétition!


Les Hessois tentent de déboucher de Rabiac... Au loin, on apperçoit le Fort Carré.

Voyons cela dans le détail:

Les Hessois n'étaient ni au bout de leurs surprises ni de leurs peines. Après avoir perdu un de ses Brigadiers, le Prince de Hesse-Cassel faisait donner la seconde brigade de son corps de bataille. Comme nous l'avons vu, dans un premier temps, elle s'emparait d'une partie de Rabiac; présomptueuse de ses forces, elle crut pouvoir pousser son avantage: ils ne restaient que quelques pâtés de maisons à enlever... Mais voilà, le 1er bataillon du Forez, quoique affaibli par de rudes combats engagés deux jours plus tôt, repoussait l'assaut; et Bigorre, posté en embuscade, déboulait sur le flanc des insolents assaillants. Rien, cependant, n'était dû au hasard, M. de Tessé ayant prémédité une vive contre-attaque générale sur son aile droite. Le 2nd bataillon de Thiérache et le bataillon de la Marine, suivis par les régiments du Beauvaisis et de Flandres, chargeaient droit devant eux un adversaire stupéfait. Hessois, Anglais et Savoyards lâchaient alors prise et refluaient en désordre, bousculant dans leur recul les régiments qui progressaient sur leurs pas. Toute l'aile gauche impériale rétrogradait alors. A la plus grande consternation de Victor-Amédée mais à la plus complète satisfaction de M. de Tessé, les reranchements perdus étaient repris ainsi que Rabiac reconquis.


Flandres prêt à avancer contre le flanc de l'attaque hessoise...

 

Pour les Impériaux tout était à refaire, et ce le moral en moins, et avec de grosses pertes en plus...

Et les Hessois qui prennent la fuite, talonnés, poursuivis, épouvantés par Bigorre en pleine Furia francesce! C'en est trop! Non, voilà que, jusqu'alors demeurés silencieux, les canons de gros calibre d'Antibes déchaînent un feu d'enfer. Explosions et incendies crépitent sur les positions hessoises exposées. Des bataillons doivent encore lâcher prise; c'est la cohue, le désordre, le repli improvisé à la hâte. Et Bigorre qui bouscule et bigorne tout ce petit monde abasourdi qui ne sait plus par où fuir? L'"envol" de la ligne de bataille hessoise finit par trouver refuge derrière les parapets des travaux de siège en cours sur la route de Biot à Antibes...

Pour les Savoyards et Piémontais, les choses sont aussi très douloureuses: certes, ils ne perdent pas trop de terrain, mais la mousquetterie française malmène leurs rangs serrés, la densité de leurs masses immobilisées, d'un feu toujours mieux ajusté et trop souvent mortel. Une tentative de charge à la baïonnette d'un bataillon par trop exposé et cherchant à briser l'étau de feu qui l'afflige semble un moment ouvrir un chemin à travers la ligne des fantassins français; mais Monsieur de Sailly fait donner Beauvaisis sur son flanc. La tentative savoyarde échoue et les salves reprennent, accablantes, implaccables. Les pertes sous la mousquetterie tournent à la mauvaise plaisanterie: de part et d'autre, on se mouche à cent pas, abandonnant à la poudre le sort des âmes. Oui, au lieu-dit les âmes du Purgatoire, les Français appuient contre un long mur leur tir. Les Régiments de Brie et de Limousin fusillent la ligne d'en face sans relâche. Le Régiment d'Escrigny poursuit à leur gauche des carrés savoyards au bord du naufrage, avançant sur eux sans les aborder mais en les mitraillant à vue sans pitié. Imperceptiblement tout d'abord, puis avec l'évidence écoeurante de l'impuissance, la ligne savoyarde rétrograde, abandonnant sur le terrain lâché, blessés et hommes mortellement touchés. Les Français, eux-aussi, souffrent de la grêle de balles, mais leur feu, mieux concentré, est plus efficace. A ce jeu redoutable, ils font la différence. Ce que leur tradition militaire de la charge ne laissait pas présumer.


Les Brigades Raffetot et Des Touches pèsent de tout leur poids contre les Savoyards.
Au loin, on distingue Antibes
.

Les Hessois battus, les Savoyards repoussés, restait encore aux Impériaux l'espoir de charges mirifiques du côté de la grosse cavalerie du Palatinat. Tous ces sacrifices pouvaient encore se justifier par l'exploit des cavaliers, à qui l'ont avait assigné l'objectif d'envelopper toute l'aile gauche française. Le prix de la victoire semblait déjà trop élevé mais ce serait quand même la victoire. Aux cavaliers de donner...


Bourgogne attend, impassible, les charges ennemies...

Le 2nd Bat. de Bourgogne avait déjà fui... Au centre du 1er Bat., demeuré ferme, flottait le drapeau colonel... Chargez!... D'un feu redoutable de précision et d'efficacité, une fois de plus, les Bourguignons de 1er Bat. fauchaient chevaux et cavaliers; on ne pouvait guère plus que mordre un peu sa ligne. Manqué!
Alors, plus à gauche, sur le Bataillon de Mirabeau formé en carré... Chargez!... Le choc est rude, mais les cavaliers sont contenus. Le carré se replie lentement... C'est le moment de le charger de nouveau. Mais une fois de plus l'abordage échoue: le carré recule mais en ordre; les cavaliers doivent aller se reformer...
Le mordant est perdu et un Général de cavalerie allemande est mort au combat.
Toute la Brigade de Broglie est maintenant en place; il est trop tard pour espérer tourner l'aile gauche française. L'occasion est passée.
Mais si, là-bas, les Dragons Jaunes peuvent encore donner, et sur les arrières de la Brigade française! Ils peuvent tourner la ligne française et tomber sur son dos! Ah, quoi, sur la route de Vallauris, deux bataillons en mouvement? D'où viennent-ils? Des renforts? Oui! Chargez!... Un des deux bataillons, surpris, n'a pas le temps de se reformer; il est bousculé et dispersé à grands coups de lattes, mais le second, d'un feu d'une vigueur et d'une précision inouïe, stoppe nette la charge qu'on lui destinait! Les Dragons Jaunes lâchent l'affaire. Trop tard pour eux, également: le bataillon ébranlé a trouvé abri derrière une haie et le second bataillon est désormais parfaitement rangé en ordre de bataille. Et puis, il a fait preuve d'une telle combativité qu'il découragerait même les plus velléitaires.

Echec donc, sur l'aile de la cavalerie. Alors que les deux armées, presque au grand complet, se sont entrechoquées, sans erreur possible, la journée du 10 juillet se solde sur une défaite flagrante pour les Impériaux. Et Victor-Amédée de se sentir moins motivé pour poursuivre: ses troupes ont à son goût déjà trop donné pour la cause impériale... Chez les Hessois aussi, pertes et revers commencent à peser sur la détermination du commandement à insister... La coalition montre des signes inquiétant d'effritement... Faut-il dans ces conditions s'entêter? L'engagement des Prussiens qui arrivent est la dernière carte à jouer. Dernière carte ou carte fatidique? A Eugène de prendre les mesures qui s'imposent...