Journée du 10 juillet 1707 (suite):

- 8ème partie, jouée le 2 septembre 2006 -

Après les violents affrontements au centre du matin, les adversaires ne désarmaient cependant point. Les Impériaux préparaient un large mouvement enveloppant de l'aile gauche française, se réservant un espace de choix pour y déployer le fleuron de leur cavalerie: les gros sabots allemands du Palatinat.
Monsieur de Goësbriand, anticipant cette inquiétante manoeuvre, faisait aussitôt déboîter sur sa gauche la Brigade de Broglie, renfort espéré et parvenu en fin de matinée en vue du champ de bataille. Des escadrons de Dragons jaunes s'échappaient en fourageurs sur l'étendue ocre des chaumes fraîchement fauchés. Les bataillons français avançaient à marche forcée à travers des champs parsemés de meules. La chaleur accablait les hommes, de plus en plus inquiets de progresser à découvert vers une bataille aux contours encore indistincts. Non moins que rassurés, ils appercevaient de temps à autres, au détour de quelques meules, des partis de cavalerie ennemie épiant leur mouvement en avant.





Les Dragons Jaunes en embuscade derrière les hautes meules...


Monsieur de Broglie hésitait encore à ordonner le déploiement en ligne, redoutant tout à la fois d'arriver trop tard au contact et d'être surpris par un contact précipité de cavalerie ennemie. Des charges soudaines étaient-elles à craindre?
En avant de sa Brigade, au loin, à la lisière d'un horizon déformé et rendu flou sous l'effet de la chaleur, le Régiment de Bourgogne, formé en ligne de bataille, demeurait seul pour couvrir l'extrémité de cette aile menacée. Face aux Bourguignons, des escadrons, soulevant de leur chevaux des nuages de poussière céréalière, s'agglutinaient et menaçaient de passer à l'action au plus vite. Tous vétérans, nos Bourguignons savaient devoir attendre l'assaut ennemi sans lacher prématurément leur feu. Retenir la salve, bien ajustée, pour couper la charge fatidique: les Dragons vert di SAR s'y brisèrent! Fauchés par un tir aussi précis que nourri, les cavaliers impériaux refluaient...
Mais c'était sans compter l'engagement de la cavalerie lourde du Palatinat: le second bataillon du régiment de Bourgogne cédait à la panique, abandonnant le terrain, ouvrant une brèche dans le dispositif français. Béance atroce: une plaine mordorée luisait, baignée dans la chaleureuse promesse d'une victoire galopante. Le Général de Broglie n'avait que le temps de mettre dans l'urgence sa Brigade en formation de combat, la cavalerie du Palatinat s'écoulant dans la plaine en un flot de plus en plus menaçant...




Les gros sabots allemands déferlent...


En amont de cette manoeuvre de débordement, l'infanterie savoyarde, formée en carrés, tenait bravement le terrain nécessaire à la couverture du mouvement de la cavalerie. Une fois encore, Monsieur de Goësbriand évaluait aussitôt parfaitement l'enjeu: en enfonçant ce coin avancé d'infanterie, on étranglerait l'espace propice à l'action initiée par l'ennemi. Avec un peu de réussite, on pouvait espérer bousculer l'infanterie et obliger tout ce petit monde à rétrograder en profondeur. Le débouché de la plaine serait alors verrouillé par reflu et piétinement de masses adverses enchevêtrées. Ce serait la nasse ou la déchirure!


Lignes françaises et savoyardes à distance de mousquetterie


Pour refermer la nasse, Monsieur de Goësbriand demandait à Monsieur de l'Epinois de faire donner ses cavaliers. Cuirassiers et dragons français s'élançaient dérechef à l'abordage des deux carrés savoyards formant barrage. L'un pliait sous le choc, les fantassins le composant prenant la fuite; le second résistait héroïquement! Les cavaliers repartaient se reformer et le Régiment d'Escrigny avançait aussitôt sur leurs pas, accablant d'un feu meurtrier la dense formation de l'insolent carré subsistant. Malgré les pertes, ce dernier résistait encore... permettant aux cavaliers impériaux, comme rapporté plus haut, de l'emporter sur l'extrémité gauche et de s'ouvrir l'étendue convoitée de la plaine. M. de Goësbriands, maussade, estimait, à juste titre, sa défense compromise. Quant aux Impériaux, de nombreuses fois contrés malgré un surnombre en effectifs de 2 contre 1, ils savouraient enfin le gain précieux de ce bout de terrain ouvert aux débordements fougueux de leur grosse cavalerie.

Sur l'autre aile, le Maréchal de Tessé consolidait son dispositif, faisant entreprendre l'élaboration de nouveaux travaux de retranchement. Son artillerie donnait à merveille des coups au but contre les demeures de Rabiac, tout juste investi par l'ennemi. De nombreux incendies se déclaraient, embasant le village, et obligeant les Hessois, une fois de plus bien malheureux dans leur conquète, à évacuer les lieux maisons après maisons, pourtant si chèrement conquises.


Rabiac en flammes sous le feu des batteries de l'artillerie royale

 

Quant à Eugène de Savoie, il avait fort à faire pour remettre en ordre de bataille ses brigades entremêlées: tâche dont il s'acquitta avec brio. Trop de troupes en un mouchoir de poche relevait du défi à la manoeuvre!


Enchevêtrement des brigades impériales: un casse-tête, même pour le plus habile des manoeuvriers!